Les Royaumes Francs du Péloponnèse
L'Association Franco-Héllenique de la Corrèze a eu le plaisir d'accueillir vendredi 13 mai 2011, au lycée d'Arsonval, Mme BREUILLOT, docteur en grec ancien, docteur en grec moderne, agregée de grammaire et maître de conférences HDR (habilitée à diriger des recherches ) à l'Université de Strasbourg et l'une des rares spécialistes en France des Royaumes Francs du Péloponnèse.
(château de CHLEMOUTSI)
Ce fut une soirée de partages humains et culturels : un petit groupe d'amis (nous aurions tellement aimé faire partager ce rare moment avec un plus grand nombre de personnes...!) ayant le même amour pour un pays LA GRECE et pour son histoire . Et ce soir là pour une période méconnue, aussi bien par les Français que par les Grecs eux-mêmes, la Grèce du Moyen-âge d'après la 4ème croisade (1205).
Au-delà de l'histoire elle-même, cette conférence nous fit prendre conscience que la Grèce ne se limitait pas aux périodes Antique, Byzantine ou Ottomane. Mais cet héritage que nous partageons est en péril car pour quelques rares forteresses, comme MISTRA ou CHLEMOUTSI, restaurées et ouvertes au public, le reste n'est que ruines envahies de végétations, oubliées de tous. Le bilan est sans appel : dans 50 ans il ne restera plus rien !
Je tiens à renouveler mes remerciements à Mme BREUILLOT (et à son mari) pour sa disponibilité, sa gentillesse et surtout pour avoir immédiatement et sans hésitation répondu présente à l'appel de notre petite association, qu'après tout elle ne connaissait pas !
Une dernière fois je lui laisse la parole :
"Après une définition nécessaire du terme francocratie qui désigne aux yeux des historiens l’occupation par les Francs d’une partie de l’empire latin de Constantinople, le Péloponnèse (ou Morée) en particulier, et après une mise en relation indispensable des événements avec la 4e croisade, l’exposé a abordé les points suivants : se fondant sur la 2e partie du mot francocratie, en l’occurrence –cratie (de κράτος, pouvoir), il a traité du pouvoir politico-militaire et du pouvoir économique dans le Péloponnèse aux 13e, 14e et 15e siècles, jusqu’en 1430 environ.
Le partage des terres conquises entre des barons, des ordres religieux et des représentants de l’Eglise, la construction de châteaux pour ces mêmes seigneurs et de points fortifiés pour les garnisons symbolisent la présence et la domination d’un prince (le Prince de Morée) qui légifère, prend des décisions, organise la défense, seul ou avec l’aide de son parlement, comme s’il gouvernait un nouvel état. C’est du moins ce que nous savons par les sources écrites en notre possession. Pour dire vrai, cette organisation à orientation politico-militaire paraît en contradiction avec le fait que le prince souhaitait maintenir la paix dans le Péloponnèse et éviter toute confrontation avec les autochtones : le château était-il le bon et unique moyen de montrer l’autorité ?
Lorsque la principauté n’est plus aux mains de la famille Villehardouin, au début du 14e siècle, la dynastie des Angevins, choisie comme héritière par Guillaume de Villehardouin, gouverne à distance, en nommant un gouverneur sur place pour gérer les affaires de la Morée. La principauté, ou du moins une partie, devient une monnaie d’échange pour de fidèles serviteurs, par exemple des banquiers florentins qui se sont montrés habiles conseillers et judicieux gestionnaires. Ces terres grecques leur sont données pour les récompenser ; charge à eux d’en tirer le meilleur profit !
On aura constaté que le pouvoir religieux n’est pas traité ; il n’a pas à l’être, même si des ecclésiastiques et des représentants d’ordres religieux comme les Hospitaliers, les Templiers, et les Chevaliers Teutoniques étaient présents lors de la conquête du Péloponnèse. Très vite, les deux églises en place, catholique et orthodoxe, vivant en parfaite intelligence, se sont satisfaites d’une cohabitation qui ne s’est jamais transformée en processus de conversion. Quand la francocratie disparaît, il en est de même pour la religion catholique.
L’exposé n’aborde pas les questions de conservation du patrimoine bâti datant de cette époque où se croisent l’histoire de France et l’histoire de la Grèce ; les châteaux qui remontent à la francocratie sont presque tous réduits à l’état de ruines, certains plus que d’autres. Mais pour que les moins menacés soient préservés, il en est de la responsabilité des autorités de la Grèce et de la politique culturelle du pays pour programmer des actions efficaces de conservation du patrimoine."
Martine Breuillot
Université de Strasbourg
La soirée fut animée, nombreuses furent les questions, elle se termina, comme toutes bonnes soirées entre amis, autour d'une bonne table !